“La langue française est notre butin de guerre. Écrire est comme voler le fusil des mains des parachutistes” K. Yacine
D’origine allemande et algérienne, pour moi les mots ont été le moyen d’assembler les pièces de mon puzzle. Je les vois comme les grains d’un bac à sable truffé de mines.
J’aime les mots. D’aussi loin que je m’en souviens.
D’une enfance en banlieue, j’ai gardé le souvenir des ravages que cause leur absence, la violence qu’elle déchaîne. Qui a vu de ses propres yeux une émeute urbaine, comprend pourquoi toute dictature commence par brûler les livres.
Puis les tours se sont éloignées et ont laissé place à une adolescence ennuyeuse et solitaire à la campagne où les mots ont été mes complices d’évasion. J’ai passé mon temps à les lire, mais surtout les écouter et les dire.
En y pensant, je réalise qu’ils ont toujours décidé pour moi: à l’adolescence, la noirceur du Wu-Tang Clan m’a ouvert à l’univers Hip-Hop, et dès le début des années 2000, la poésie Vaudou de Saul Williams m’a fait basculer dans le Slam. J’y ai découvert cette vérité fondamentale: il est des mots qu’on ne pourrait confier àl’oreille d’un proche mais qu’on peut partager sur scène avec une foule d’anonymes.
Depuis, je les ai déclamés sur des dizaines de scènes en France, au Liban, en Belgique, Italie, Tunisie et Algérie.
C’est sous le nom de Lee Harvey Asphalte (qui se souvient qu’Oswald était embusqué dans une fabrique de livres?) que s’exprime l’envie de confronter la rime et le rythme afin de relever ce défi: “faire penser les danseurs et danser les penseurs”.
Ambassadeur de la Francophonie, puis Lauréat France Ô Folies, cette aventure s’est achevée de la plus belle des manières par la sortie de l’album “Asphaltocratie” en 2013.
Aujourd’hui je reprends mon (presque) véritable nom, Mehdi Krüger, affranchi de tous les codes, tous les genres, mais toujours une plume dans la main plutôt qu’ailleurs.
L’urgence de dire reste intacte, mais les thèmes se font plus intimes, portés par l’écrin des guitares d’Ostax. Ensemble nous créons notre propre musique, naviguant entre Rive Gauche et East-Coast: le Spoken-Folk.
Trop universaliste pour l’underground, trop ghetto pour les intellos, finalement mon histoire est celle d’un singe savant qui refuse de quitter la jungle.