L’esprit des ateliers d’écriture
« Toute une vie j’ai écrit.
Comme une andouille, j’ai fait ça.
C’est pas mal non plus d’être comme ça.
Je n’ai jamais été prétentieuse.
Écrire toute sa vie, ça apprend à écrire.
Ça ne sauve de rien. »
Marguerite Duras, C’est tout.
L’atelier d’écriture. C’est une activité émancipatrice, source d’invention et d’imagination, qui doit notamment tendre à sensibiliser les publics « touchés » au livre et à la lecture.
Mais, à des fins de mise en garde ou de précision, nous pouvons emprunter quelques mots à Danièle Sallenave : Je ne dis pas qu’il faut supprimer les exercices écrits à l’école ! Simplement qu’il ne faut pas en surestimer la valeur de « création » : ce sont eux aussi des moments d’un apprentissage. Soyons donc modestes, lucides, mais déterminés.
Être au front, en atelier d’écriture. Il y a, en ce monde, une misère enfouie et inconsolable, et c’est la misère des éprouvés dont la langue, écrite et parlée, s’est à jamais perdue, est devenue langue morte, presque. Il faut croire à la « mission » : écrire des poèmes avec l’encre de son sang, des poèmes magnifiques ; éditer, et défendre, les poètes et la poésie ; rendre la parole à celles, à ceux, qui ne l’ont plus.
Surtout, ne jamais écrire à côté du monde et de la vie. Toujours être traversé, retraversé, par le souffle même de l’existence.
Savoir écrire, c’est savoir s’oublier au bord du chemin, et c’est aller nu dans la langue, avec une économie de moyens. Ce qu’on découvre chez les autres, on ne le lit pas forcément chez soi.
Savoir écrire, c’est savoir naviguer au large de la phrase.
Pour finir, je pourrais simplement réveiller les heures passées à Annonay, il y a déjà quelques temps. Atelier d’écriture, et atelier lecture. Tout cela a du sens pour moi, parce que tout cela veut dire : je cherche mes mots, je cherche ma langue. Mais elle est déjà là, cachée, ou à peu près... Chaque fois que je suis intervenu là-bas, j’en suis rentré bouleversé. Des émotions vives, vivantes, voire inattendues, des émotions plein la voix.
Même quand on ne dispose que de quelques mots de vocabulaire, même quand face à la langue on est fort démuni, en grande difficulté, on a d’emblée son style et son rythme à soi. C’est étonnant, mais c’est ainsi.